Je suis, peut être que vous le savez, auteur du livre, mon second sur les cinq, « Alpha Condé, l’opposant historique –une école de la démocratie pour les Guinéens », L’Harmattan, 2017 ; 318 pages ; 32 euros. Aussi, en qualité de personne ressource, j’ai été modérateur d’événements stratégiques. Les plus récents sont : la convention du parti sur le troisième mandat, la série de conférences de presse du gouvernement, l’investiture du président élu. Dans le présent texte, pas un mot sur ce livre, pas un mot sur ces événements. Je les évoque pour expliquer mon obligation morale de prendre part à la « crise » provoquée par le choix de Don KASS à la tête du RPC.
Je suis soulagé de constater que la crise actuelle n’est pas une guerre. Elle est plutôt une bataille entre des tendances. Les tendances politiques ne sont pas des clans politiques. Les premières finissent toujours par se retrouver autour de l’essentiel. Mais, mal gérées, elles engendrent les clans. Et ces derniers, mal gérés, conduisent à l’implosion.
Pour ce départ, une tendance, dit-on, a choisi l’ancien et dernier Premier ministre du pouvoir déchu. Loin de moi l’idée de porter des jugements sur le processus qui a abouti au choix du politico-technocrate ou des jugements sur les faiblesses ou les casseroles du mortel qu’il est. Encore moins sur les illustres noms qui circulent sous ou en dehors du manteau.
Mon objectif, en montant sur le ring, est d’exhumer ce que je considère comme des raisons cachées du choix de ce morianais dans l’âme. « Pas de fumée sans feu » dixit le proverbe. Beaucoup ne parlent que de la fumée, la partie visible. Moi, je m’en écarte. Pour me consacrer sur la partie invisible, qui reste cependant la plus importante. Telle celle d’un iceberg. Probablement, après en avoir pris connaissance, vous vous direz à vous-mêmes et, peut-être, à d’autres ce qui suit : « Cette tendance a fait un bon choix, eu égard au contexte ambiant ».
Alors, suivez-moi s’il vous plait.
- Son mariage fait de lui un transethnique. Pour un conquérant de pouvoir, se marier « ailleurs » est une tactique qui s’inscrit dans la stratégie de sa conquête. L’histoire générale est pleine de cas. Je connais un cadre qui en a fait son arme privilégiée de conservation de son pouvoir. Son ministre est guerzé, le voilà épouser une guerzé, etc. Quiconque épouse « ailleurs » est forcément ouvert aux Autres sur tous les plans y compris la langue de communication. Tous nos ex présidents semblent avoir compris cela.
- Sa connaissance profonde des cœurs des différents systèmes politico-économiques et culturels du pays est une réalité. Et dans ceux-ci, Il est l’un des rares cadres du pays à être « ami écouté » de tous les présidents civils et civilo-militaires de note beau pays. Il a vécu ces systèmes dans leurs entrailles. Donc, il connait qui est qui, qui a fait quoi. En outre, il a des liens historiques avec les familles biologiques et politiques de ceux-ci.
- Parmi les collaborateurs du PRAC, ceux du premier cercle, il fut celui-là qui sut, le mieux, gérer sa personnalité. En alliant, malicieusement, soumission consciente, loyauté effective et vérité bien dite. En est-il conscient ou pas, en tout cas il a eu et sut mettre en pratique, dans sa communication avec le PRAC, les techniques de gestion du communicateur qui réunit en lui, tel le PRAC les types « Procureur » et « Authentique ». Pour ce faire, le bon gestionnaire de personnalité « difficile » qu’il est ne pouvait que bénéficier de la large confiance du PRAC.
- D’une manière ou d’une autre, de façon directe ou indirecte, il a contribué à la création et à la fabrication professionnelle des poids lourds des formations politiques susceptibles de faire barrage au RPC. Il se dit que c’est lui qui a présenté l’un d’entre eux au Général Conté en disant sur lui et devant lui beaucoup de bonnes choses liées à son expertise. Ce qui fait de ce dernier un obligé. Par ailleurs, il pourrait détenir, par devers lui, des « Dossiers secrets » sur eux. Leur déballage, au grand jour, pourrait les pulvériser politiquement. Il en a conscience. Forcément, eux aussi.
- Il est un « séducteur » des cadres compétents. Lorsqu’il découvre (de par lui-même ou par personne interposée) une compétence, masculine ou féminine, il pose sa candidature professionnelle. En des termes tels : « Tu sais que j’aime ce que tu fais », « Toi, viens me voir », « Je suis content de ta prestation », « Viens travailler avec moi ». Ce rôle me fait penser à mon mentor Sénainon Béhanzin qui avait, à propos, une expression charmante : « Allons à la récolte des compétences !».
- Son amour pour sa défunte mère était sans borne. Sa mère, épouse elle-même de grand marabout Imam, fut une femme soumise à son mari. Il se dit qu’elle aimait dire à son fils : « Dans la concession, quand ton papa crie, moi je ne dois pas crier, c’est ce qui fera qu’un jour tu pourras, à ton tour, crier ». Il est prouvé que les bénédictions d’une mère, qui a bénéficié elle –même de celles de son époux, font de l’enfant un Baraka-den. Et les redoutables maîtres de la parole, membres ou non du RENACOT, disent qu’un « Baraka-den ne connaitra jamais la honte ». Je sais que pour casser très rapidement un courroux du président Ahmed Sékou Touré, il suffisait d’arriver à lui dire : « Enfant d’Aminata Fadiga, vous avez raison » ou « Pardonnez-moi, enfant d’Aminata Fadiga ! »
- Son sens de la concertation et du dialogue (au double plan technique et politique) est réel. Il a été acquis du temps où il était dans le domaine de la « coopération internationale». C’est là que vinrent l’habiter des valeurs telles la courtoisie, l’écoute active, l’affabilité, toutes indispensables à l’établissement de relations humaines durables. Combien de partenaires techniques et financiers a-t-il rencontrés ? Combien de programmes et projets de développement ont-ils été mis en œuvre sous son leadership aligné sur et dans celui d’un autre ?
- Il bénéficie largement de la politique dite « Retour de l’ascenseur ». Beaucoup de ses compatriotes lui doivent. En bon soussou, il applique, dans ses transactions communicationnelles, le « Ntoun mou satoun ma ». Dans cette lancée, il a aidé, de moult manières, beaucoup d’entre elles/eux. Deux cas majeurs. Souro Mara, membre fondateur du RPG en forêt, adversaire déclaré du Parti de l’Unité et du Progrès (PUP), eut droit à une inhumation digne de son combat. Grâce à lui. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les kourankos lélés se souviendront de ce geste au moment opportun. L’administration publique est pleine de ses « petits ». Ils sont de toutes les ethnies. Tous.tes sont en position d’autorité. Tapis dans l’ombre, dans la plupart des cas, ils surveillent, tel le donzo, le passage du gibier. Pour lui, elles/ils bondiront. Sans faute.
- A accepté ce que j’appelle, en politique, « Le sacrifice suprême ». Son nom : dissoudre son parti politique dont on est fondateur dans un autre tel le sucre dans l’eau. Quelle prise de risque ! Cet acte équivaut à une croyance véritable de l’absorbé dans le programme du parti absorbant et dans son leader. Ente celui qui est né dans une religion et celui qui y est venu par conviction intime, qui est le bon religieux ?
- Son choix est le symbole de l’inexistence, au sein du RPC, de la conscience ethnique négative. Celle-ci est fondée sur l’exaltation de sa communauté au détriment des autres dans un contexte multiethnique. Une phrase fétiche des adeptes : « Il faut, à la tête, un membre de ma communauté ! » C’est cette inexistence de la conscience ethnique négative qui a permis la prise du pouvoir le 03 avril 1984 par le soussou Lansana Conté (au milieu d’un chapelet d’officiers et de soldats malinkés), la création de l’émission « A vous la parole » qui fut animée par un journaliste de la même ethnie que le président Sékou Touré.. Entre autres indicateurs.
- Il appartient à la communauté ethnique qui créée, en république de Guinée, les Présidents de la République, la communauté soussou. Revoyez et relisez notre histoire récente. Nos deux présidents civils, le civilo-militaire, le militaire ont des liens ou culturels ou biologiques ou biologico-culturels avec sa communauté ethnique. Après les événements du 27 août, le président Ahmed Sékou Touré confia, un jour, à mon mentor une confidence importantissime. Elle est liée à la conquête et à la gestion du pouvoir politique en Guinée. La voici : « Lorsqu’un mouvement est dirigé par un soussou où que les soussous, dans ce mouvement, y sont nombreux ou y sont les plus nombreux, prend très au sérieux ce mouvement ». L’amour du soussou pour le premier président a été et demeure, jusqu’à nos jours, profond et sincère. Qui ne souvient pas de l’enterrement par le président Lansana Conté, dans la cour de Sekhoutoureya, d’un coffret mystique ? Le message du coffret est, selon une rumeur persistante, le suivant : « Tout Guinéen peut y loger. Mais tout Guinéen qui a combattu, ouvertement ou dans l’ombre, Ahmed Sékou Touré n’y terminera pas son pouvoir ». Vrai ou faux, le 05 septembre a donné raison à la rumeur.
- Il ne faut pas se voiler la face : l’opposition entre « Guinéen de l’intérieur » et « Guinéen de l’extérieur » est réelle. Certes, elle a énormément diminué d’intensité. Tant mieux. Mais elle demeure en termes de « choc de cultures». J’en parle dans mon livre suscité. Le choisi a l’avantage d’être à la fois un guinéen de l‘intérieur pour avoir été formé par et dans la révolution et un guinéen de l’extérieur pour avoir séjourné pendant longtemps dans le pays le plus puissant de notre planète. On dit qu’il en a la nationalité ( ?). A noter que ce pays fut un soutien fondamental de la nouvelle république indépendante de Guinée. Dès les premières heures. Je revois encore la photo officielle du jeune président guinéen, 37ans à l’époque, fièrement debout aux côtés du président Dwight David Eisenhower ! D’égal à égal ! Ladite photo joua un rôle considérable dans l’avènement de « L’année des indépendances africaines ». Puis, vient dans mes souvenirs le plus charismatique des présidents du pays de l’Oncle Sam, le jeune John F. Kennedy. Lui et le tout autant jeune président guinéen devinrent des amis, au su et au vu du globe. Cette appartenance du choisi à ces « guinéens » est une voie sûre pour calmer les éventuelles inquiétudes des uns et des autres. En tout cas, lui aussi peut dire «J’appartiens à la diaspora ».
J’ai écrit ; j’ai dit. Mais toute décision finale est dans les mains de Dieu. Que Sa Volonté s’accomplisse pour le bien-être des Guinéennes et des Guinéens !
Bon vent, Don Kass !
Par Facély Deux MARA, journaliste écrivain
(Conakry le 11 mars 2022)
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Last modified: 14 mars 2022