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Les quelques défis qui attendent le CNT (Par Youssouf Sylla)

6 février 2022

Par Youssouf SYLLAAvec la mise en place de cette Institution importante de la transition, c’est le travail de refondation de l’Etat à la base qui commence, c’est à dire l’élaboration d’une nouvelle constitution. La sixième en 64 ans d’existence de la Guinée en tant qu’État indépendant. Sans être parfaites (aucune constitution ne l’est en vérité d’ailleurs), les constitutions précédentes n’étaient pas toutes mauvaises. De 1990 à 2020, la Guinée a opté pour un schéma constitutionnel, d’inspiration libérale qui, d’une part, rompait avec la constitution de 1982 fondée sur un double centralisme, exécutif (prédominance de l’exécutif sur le législatif et le judiciaire) et démocratique (parti unique, le PDG) et, d’autre part, reposait sur le socle commun de toutes les constitutions démocratiques et ouvertes (reconnaissance des libertés fondamentales, séparation des pouvoirs et diversité des courants de pensées et opinions).

D’où vient alors le mal constitutionnel guinéen pour justifier une énième constitution?

Ce mal vient plus de la pratique des gouvernants que de la constitution elle-même. L’accès prioritaire que le pouvoir a toujours donné aux gouvernants aux « ressources de la nation » explique en grande partie la banalisation, la dévalorisation et la désacralisation de la constitution, même la mieux élaborée, si elle ne coïncide pas aux intérêts de la classe dirigeante. Jean François-Bayart a appelé cela, « la politique du ventre » dans l’État post colonial de l’Afrique noire. La recherche du prestige par les détenteurs de l’autorité publique explique de manière prépondérante la raison pour laquelle, on change de constitution comme de chemises en Guinée et en Afrique. La solution à ce problème se trouve non pas dans une nouvelle constitution, mais dans la psychologie des dirigeants et dans l’idée qu’ils se font du pouvoir. La constitution ne contient aucune thérapie pour guérir cette soif maladive du pouvoir. Pour preuve, les intangibilités constitutionnelles n’ont nullement dissuadé en 2001 et en 2020 le pouvoir de faire sauter le verrou qui empêchait la modification de la durée du mandat présidentiel. Un éminent constitutionnaliste disait à ce propos qu’ » il est facile d’imaginer une constitution mais difficile de la faire vivre ».

L’indispensable questionnement de notre modèle étatique

Cet exercice est inévitable si on veut remettre les choses à plat. Un autre défi du CNT est de réfléchir sur le modèle d »Etat convenable pour la Guinée, en partant de son histoire, de sa géographie, de son contexte socio culturel et de ses ambitions dans le monde. Dans son ouvrage « l’Etat importé: l’occidentalisation de l’ordre politique », Bertrand Badie explique pourquoi et comment le greffage du modèle étatique européen a échoué dans les sociétés non occidentales. Il s’agit donc aujourd’hui pour un pays comme la Guinée, de réfléchir sur un modèle d’État qui reflètera ses propres caractéristiques et qui diluera l’immense pouvoir de l’exécutif dans les veines d’autres entités exécutives et legislatives de la nation. La réforme de l’Etat sous cet angle est nécessaire pour neutraliser la concurrence meurtrière autour de la fonction présidentielle, ainsi que la montée en puissance des rivalités inter ethniques qui va avec.

Youssouf Sylla

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Last modified: 6 février 2022

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