Si l’Egypte avait remporté ce match attendu par tous les grands observateurs du cuir rond, on aurait sans doute gardé ce goût ocre de fête inachevée, tant la prestation des « pharaons », hormis quelques belles séquences défensives, a été d’une pauvreté affligeante.
Les joueurs de la Carlos Queiros auraient certes jubilé pour savourer un résultat technique absolument immérité (comme contre la Côte d’ivoire ou le Cameroun), et les vaincus sénégalais auraient goûté encore à une amère défaite en finale, la seconde consécutive après 2019, face aux Fennecs d’Algérie…
Mais il y a une justice en football et cela rend ce beau jeu encore plus motivant. Ceux qui comptaient sur la série de tirs aux buts pour décrocher la Coupe d’Afrique ont fini par noyer leur chagrin (et leurs regrets) dans des pleurs. Pris à leur propre piège, surpris par la sérénité de leurs adversaires.
On n’en serait d’ailleurs pas arrivé là, si le métronome sénégalais, Sadio Mané, avait transformé dans le jeu le penalty obtenu très tôt dans la partie. Les tacticiens vous diront que l’Egypte allait sortir de ses bases, mais ils auraient ouvert le jeu en libérant des espaces dont raffolent les attaquants des Lions.
Les derniers matches du Sénégal ont confirmé que l’entraîneur Aliou Cissé a bien appris de ses erreurs commises par le passé, en affichant un sens tactique dans la manière d’aborder ses adversaires.
Contre l’Egypte, le bon choix a surtout été de ne pas se jeter n’importe comment à l’abordage, en évitant de gaspiller trop d’énergie, s’exposer aux contres et subir une défaite comme le Maroc, comme la Côte d’ivoire, comme le Cameroun, toutes ces 3 nations annoncées pour le sacre final, mais vaincues à l’usure par des Egyptiens qui offraient pourtant un spectacle insipide.
Au finish, le Sénégal l’a remporté face au septuple champion d’Afrique, et obtenu aux tirs aux buts (4-3) la première Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de son histoire. Une victoire largement méritée pour cette nation passionnée de football, mais aussi pour toute cette zone d’Afrique de l’Ouest, la mieux représentée au Cameroun, avec 8 équipes.
Le faire face à l’équipe la plus titrée de la CAN (avec 7 unités) et sur le sol de la seconde nation africaine dans la course au prestigieux trophée africain (le Cameroun avec 5 CAN), rend la victoire des Lions plus belle.
Petits enseignements pour le Syli Guinée
Venu à la CAN sur la pointe des pieds, tant les derniers résultats semblaient défavorables, le Syli national de Guinée, a été éliminé en huitièmes de finale. Les « entraîneurs du petit écran » ont vite fait de jeter aux orties le travail de fond entamé par le coach Kaba Diawara (le bouc émissaire parfait !), oubliant que c’est dans les mêmes conditions qu’un certain Aliou Cissé, aujourd’hui auréolé d’un titre de champion d’Afrique, avait récupéré les Lions après leur déconvenue en Guinée Equatoriale (en 2012).
Certes dans le jeu et certains choix tactiques (comme le retard enregistré dans l’entrée en jeu de Morlaye Sylla ou le fait de se passer de joueurs créatifs comme Seydouba Soumah « Konkolet », Ibrahima Sory Conté « Maïbra » sur des questions extra-sportives qui auraient pu être gérées à l’interne), Kaba Diawara peut être critiqué, mais prétendre que son travail entamé depuis plusieurs semaines est insignifiant est une position de mauvaise foi. L’actuel sélectionneur du Syli national de Guinée a effectivement réussi à fonder un socle qui peut être amélioré, dans la perspective de la CAN 2023, prévue en Côte d’ivoire.
Les conditions de performance passent par une bonne organisation du football local, en commençant par les infrastructures (et les formateurs). Sur ce plan, en dépit des fanfaronnades coutumières de quelques « mécènes », beaucoup d’insuffisances peuvent être mises à l’index.
Recruter à tour de bras des joueurs, sans garantir un cadre de formation fiable (pas dans les discours mais dans les faits), est une stratégie qui a montré ses limites. La Côte d’ivoire et le Sénégal, qui ont remporté la CAN et qui disposent d’un contingent impressionnant de joueurs dans les plus grands championnats européens privilégient les centres de formation depuis des années. Une piste sérieuse à explorer…
Saliou SAMB
CAN 2021 : Le Sénégal obtient sa première étoile…
Au bout d’un long suspense, face à une équipe d’Egypte refusant le jeu, le Sénégal a réussi l’exploit de décrocher la première Coupe d’Afrique des nations de son histoire. La route fut parsemée de déceptions, mais les échecs semblent avoir permis à un groupe de mûrir pour décrocher le graal.
Lorsque la génération des Roger Mendy (Jeanne d’Arc de Dakar), Cheikh Seck (djaraf de Dakar), Jules François Bertrand Bocandé (Paris Saint Germain, France), Boubacar Sarr « Locotte » (Paris Saint Germain, France) et autres Thierno Youm (FC Nantes, France) a été éliminée en 1986, les observateurs du football africain étaient un peu perdus dans leurs certitudes. L’équipe du Sénégal de l’époque avait vaincu au grand stade du Caire la fabuleuse équipe d’Egypte (0-1) de Taher Abou Zeïd et Al Battal, future championne d’Afrique, mais avait buté sur la Côte d’ivoire de Youssouf Fofana et Abdoulaye Traoré dit « Ben Baddy » (1-0). La frustration fût tellement grande, que des états généraux du football furent convoqués à l’époque, chamboulant l’évolution d’un sport dont les leçons seront retenues bien après.
En 1990, à Alger, l’équipe du Sénégal va quitter la compétition en demi-finale (2-1) face à l’Algérie de Rabbah Madjer qui va finalement remporter le trophée…
D’échecs en échecs, les Lions passeront par toutes les émotions (1994 et 2000 notamment) avant que les premiers succès n’interviennent en 2002. Cette année là, le Sénégal va atteindre pour la première fois de son histoire une finale de la CAN avant d’émerveiller le public sportif en Coupe du monde où l’équipe ratera de justesse (après prolongations) l’accès aux demi-finales. Cette génération exceptionnelle (El Hadj Ousseynou Diouf, feu Pape Bouba Diop, Kalilou Fadiga, Henry Camara, etc) va marquer à jamais l’histoire du foot sénégalais.
En réalité, le travail de fond accompli par les écoles de football naissants (Diambars et Génération foot notamment) a commencé à payer, inscrivant le Sénégal dans une régularité au plus haut niveau du football africain. Très souvent cités parmi les favoris, les Lions avaient toujours déçus à l’heure des comptes.
A partir de 2015, suite à la mise à l’écart des cadres de la génération 2002, de nouveaux joueurs vont investir l’équipe nationale sénégalaise sans connaître les résultats espérés pour des cracks qui évoluaient dans les plus grands championnats du monde.
L’entraîneur choisi après les échecs des « sorciers blancs » (Henry Kasperszak, Alain Giresse, etc), Aliou Cissé, a dû subir son lot de critiques toujours plus acerbes les unes que les autres. « Manque de sens tactique », « manque d’expérience », aucun quolibet n’était trop fort pour saborder le travail de l’ancien capitaine de la génération 2002. Il avait pourtant réussi à présenter une équipe chatoyante lors de la Coupe du monde 2018, en Russie…
Ces détracteurs vont sans doute la ramener après son triomphe au Cameroun. Car Cissé a réussi là où tous les tacticiens et autres entraîneurs « d’expérience » ont échoué. A moins de 2 mois des éliminatoires de la Coupe du Monde (Qatar 2022) où les Lions vont retrouver une vielle connaissance, l’Egypte, ça promet…
S.S.
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Last modified: 7 février 2022