Le procès des responsables des crimes de masse perpétrés le 28 septembre 2009 en Guinée se poursuit, et le passage des victimes et témoins est essentiel pour comprendre l’ampleur de ces atrocités. Sur cette liste, figure le diplomate guinéen François Lounceny Fall.
Répondant aux questions de nos confrères de la radio RFI, il a dit avoir ressenti un soulagement après une patience de 13 ans sans suite qui traduit un manque de volonté politique d’Alpha Condé, malgré l’accélération du dossier par l’ancien ministre de la Justice Cheick Sako.
En tant que diplomate, François Lounceny Fall a travaillé avec le gouvernement guinéen pour garantir que les auteurs de ces crimes soient tenus pour responsables de leurs actes. Malheureusement, il a été témoin de la résistance et de l’obstruction du régime devant empêcher toute enquête sur les atrocités commises. À la Radio France International (RFI), il a réitéré ses propos avancés à la barre, qui font croire que l’ancien locataire de Sékhoutoureyah avait privilégié l’intérêt politique, en lieu et place de l’organisation de ce procès.
« La décision ne pouvait que venir de lui. Il a eu des ministres comme Cheick Sacko qui était venu accélérer le dossier qui était une affaire de la Cour Pénale Internationale ( CPI), mais que la Guinée a demandé la délocalisation dans notre pays. Malheureusement il n’y a pas eu de volonté réelle de la présidence et c’est ce qui a retardé ce procès à cause tout simplement des intérêts politiques», a confié à la RFI, François Lounceny Fall.
Le jugement de ces crimes de masses a débuté en septembre 2022, avec la série de dénégations de plusieurs acteurs, notamment le cas de ceux du box des accusés. Au départ, la responsabilité a été portée sur l’ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara, Aboubacar Diakité alias Toumba. Cependant, la réalité était toute autre selon le diplomate guinéen.
« Lorsque nous sommes venus, que ça soit Bah Oury qui était président du comité d’organisation de cette marche et moi-même, nous avons commencé à mettre les pendules à l’heure et les choses ont commencé à se clarifier. Nous avons identifié des responsables, expliqué comment les crimes ont été commis. Et un des acteurs clés c’était Marcel qui était très proche de Moussa Dadis Camara. Dans sa première comparution, il avait complètement nié sa présence au stade alors que nous nous l’avons formellement identifié à plusieurs moments, nous donner les coups violents et menacer même de faire exploser une clinique avec une grenade», a-t-il lâché.
Autre fait marquant que François Lounceny Fall s’est attelé à dénoncer sur les ondes de cette radio à grande écoute, c’est aussi la présence des milices de la garde présidentielle, des gendarmes et policiers au stade. Aussi selon l’ancien Premier ministre guinéen, le déploiement d’autres milices venues du camp Kaléah qui se sont infiltrées dans les manifestants pour massacrer les populations. Aux dires de ce diplômante à la retraite, ce sont deux bus, remplis de soldats qui ont débarqué et qui se sont acharnés contre les femmes, à défaut de les violer, les déshabiller, déchirant tout de même leurs pantalons, robes et pagnes, les obligeant à sortir nues du terrain.
» Lorsqu’il y a des situations comme ça, les soldats utilisent l’arme du viol, de l’humiliation, pour dire aux femmes que comme vous êtes venues ici, nous allons vous exposer. C’était ce qui a été produit effectivement», a soutenu Lounceny Fall.
Après ces atrocités, les rapports ont été produits par des organisations non gouvernementales, mentionnant le nombre de morts à plus de 150 personnes, une centaine de blessés et des cas de viols et disparus. Ces chiffres, à en croire l’ancien Chef du Gouvernement sous l’ère de feu Général Lansana Conté, étaient évidents mais que d’autres n’ont été dévoilés.
« Quand je prends le cas des femmes de mon parti politique, plusieurs d’entre elles ont été violées et humiliées mais qui n’ont pas été enregistrées parce qu’elles ont décidé de garder le silence. Elles continuent donc à gérer ce traumatisme jusqu’à date», a-t-il regretté.
Le témoignage de François Lounceny Fall est un rappel poignant de l’importance de la justice et de la responsabilité dans la lutte contre les crimes de masse. Selon lui, la justice doit être rendue aux victimes et à leurs familles, et les coupables doivent être tenus responsables de leurs actes. Ceci, pourrait répondre au principe de « Justice, Vérité et Réconciliation tant prôné par les Guinéens.
« Je crois que c’est la première fois qu’il y a eu un procès public contradictoire en Guinée pour des crimes de masse. Tout le monde connaît l’histoire tumultueuse de notre pays où il y a eu des violations massives des Droits de l’Homme. Qu’un tel procès se tienne, je pense que cela doit servir dans l’avenir. Nous devons donc revisité l’histoire de la Guinée. Et lorsque c’est le cas, les principes comme Justice, Vérité et Réconciliation qui ont fait leur preuve dans d’autres pays, la Guinée doit passer par ce passage obligé afin de réussir la réconciliation nécessaire dont elle a besoin pour faire face à un avenir meilleur. Ce procès constitue pour moi, une grande plénière qui aidera le pays à se réconcilier avec lui-même», a indiqué François Lounceny Fall.
Le 28 septembre 2009 restera à jamais gravé dans la mémoire collective des Guinéens. Ce jour-là, des forces de sécurité ont été accusées d’avoir ouvert le feu sur une foule de manifestants pacifiques qui s’étaient rassemblés dans un stade de la capitale Conakry.
Décryptage de Sâa Robert Koundouno
L’articleLouncėny Fall sur RFI : « ce procès [28 septembre] aidera la Guinée à se réconcilier avec elle-même» est apparue en premier sur Mediaguinee.org.
Last modified: 12 avril 2023