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Le Premier ministre Béavogui et les chiffres : Un mariage difficile

14 mars 2022

Mohamed Béavogui a décidément de sérieux soucis avec les chiffres. Lui qui a une formation de base en institut polytechnique et qui est normalement un expert international en développement, nous fait douter de son expertise toutes les fois qu’il a parlé… chiffres !

Sa dernière sortie à la télé nationale en dit long sur ce sentiment. Tenez, notre premier ministre pour parler du drame de Kounsitel nous enseigne que la population de la préfecture de Gaoual d’où relève Kounsitel a, en un an, cru à un rythme vertigineux. Passant de 30 millions à 300 millions ! Soit environ 25 fois la population de la Guinée ! Vu le tollé que cela a suscité sur les réseaux sociaux, la cellule de Communication du gouvernement a « rectifié » le tir dans un communiqué en mentionnant plutôt que « la population de Gaoual est passée, depuis la découverte du métal précieux, de 30 mille à 300 mille habitants ». D’un mensonge l’autre.

Car la ruée vers l’or dont on parle s’est faite à Kounsitel l’année dernière. Et en 2020, la population de Gaoual, selon l’Institut national de la statistique, était estimée à 231 483. Donc pas 30 mille. Supposons qu’on parle de Kounsitel et non de Gaoual. Là aussi selon le même institut, la population en 2020 était estimée à 22 045. Et non 30 mille, encore une fois. Et on ne peut pas imaginer que la petite sous-préfecture ait 300 mille habitants.

D’ailleurs si la population a cru de 30 mille à 300 mille, cela signifie que 270 mille ont quitté d’autres régions.  C’est comme si plus que la population de Boffa, par exemple, s’était installée en moins d’un an dans une sous-préfecture (Kounsitel) ou dans une préfecture (Gaoual), c’est selon Mohamed Béavogui ! C’est juste délirant.

On se rappelle qu’à la RTG, il y a quelques mois, le même Premier ministre parlant des mines, s’était encore emmêlé les pinceaux. « En 2020, la Guinée a sorti l’équivalent de plus de 3 milliards 800 millions de dollars de bauxite qui ont été vendus. Qu’est-ce qui est rentré dans les caisses de l’État ? À peine 200 millions de dollars. Et croyez-moi, de ces 200 millions de dollars, 100% ne sont pas allés dans les caisses du trésor. Voilà la réalité de la Guinée », s’était-il offusqué. La réalité était tout autre.

Un expert avait indiqué que le montant de « 3,8 milliards de bauxite exportée » en 2020 représente en réalité le chiffre d’affaires (ventes) des sociétés sur environ 80 millions de tonnes. Pour parler de partage de revenus, il faut déduire de ce montant les dépenses effectuées par les sociétés pour extraire et évacuer la bauxite : 1- Les dépenses directes d’exploitation qui sont au moins autour de 15 dollars la tonne, soit au total 1,2 milliard de dollars ;

2- Les frais de transport qui se situent en moyenne au dessus de 25 dollars la tonne, soit au total 02 milliards de dollars;

Soit donc un total de dépenses de 3,2 milliards de dollars (sans compter l’amortissement des investissements) effectuées par les sociétés. Sans déduction de l’amortissement des investissements, l’exploitation de 80 millions de tonnes de bauxite rapporte donc au mieux autour de 800 millions de dollars à répartir entre tous les acteurs (les actionnaires, l’Etat, les prêteurs, communautés etc.) après y avoir défalqué l’amortissement des investissements.

L’ensemble des revenus miniers de la Guinée s’est chiffré à 544 millions de dollars en 2018 (dernier rapport de l’ITIE disponible) pour moins de 60 millions de tonnes, dont 345 millions de dollars tirés uniquement du secteur bauxitique.

Tout cela, il faut l’enseigner à notre très technocrate -pince sans rire- premier ministre.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com

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Last modified: 14 mars 2022

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